L'OR DE JÜRGEN - JYHEL
20,00 €
L'or déchaine souvent les passions ! C'est ce que vous verrez dans ce thriller passionnant.
REF. 025-062 - ISBN 9782380690255
Il a souvent été question de l'or nazi, fortune amassée par le troisième Reich. Ce trésor de guerre
fut constitué par les prises lors des invasions territoriales mais aussi à la population juive
européenne. Il provenait essentiellement des richesses familiales comme l'or physique, les bijoux
mais aussi les couronnes dentaires récupérées dans les camps de la mort.
Nombre de légendes vont planer autour du lac Toplitz en Autriche, sur un célèbre train d'or
ensevelit dans un complexe souterrain au sud de la Pologne, au fond du Rhin, tel l'anneau du
Nibelung.
Dans cette histoire, la quête de l'or déchaînera les passions, bouleversera les esprits, renversera
les destins. Bref, l'or donnera la fièvre.
Résolument romancier, auteur de nombreux polars historiques et romantiques, Jyhel affectionne
se tourner vers les énigmes du passé comme vers la complexité de la vie contemporaine.
PREMIÈRES PAGES
Préface
Le chaos est souvent source de renouveau. Sans lui, l'ordre naturel établi ne se remet pas en cause. Le meilleur exemple et le plus célèbre de tous est le big-bang. Du néant ont surgi le temps, la matière, l'énergie et par voie de conséquence, la mouvance.
Plus proche de nous, le cataclysme météoritique datant de soixante-cinq millions d'années a éradiqué les grands reptiles de la surface de la Terre pour laisser la place à l'ère des mammifères.
Il aura fallu quelques millénaires pour que le plus célèbre d'entre eux arrive à maîtriser l'art de la guerre et donc de la destruction.
Lors des deux derniers conflits mondiaux, la dévastation partielle de la planète n'en était pas a priori l'objectif, mais la conséquence. Peu importe, le résultat est identique, la règle de la renaissance s'applique à nouveau.
Outre l'horreur, les ravages, la misère, le chagrin, l'injustice, le chaos a été le terreau pour des événements, des concours de circonstances, des rencontres, des histoires particulières, dont les occurrences auraient été improbables autrement.Une page se tourne…
En ce 19 janvier de l'an de grâce 2016, le temps était au plus froid. C'était de saison, après tout ! Une gelée blanche couvrait l'herbe en bordure de la route qui menait du funérarium de Vendôme jusqu'à Danzé, petite bourgade tranquille du Loir-et-Cher.
Cheminant lentement vers l'église, Louis Tréholle et Pauline, son épouse, accrochée à son bras, étaient les premiers à suivre le fourgon mortuaire. À peine, une douzaine de personnes marchaient, deux par deux, derrière ce corbillard dont le moteur distillait ses gaz d'échappement et raréfiait l'oxygène. Vêtus comme des citadins pour la plupart, ils avaient sous-estimé le temps frais, pour ne pas dire glacial, qui les transissait jusqu'aux os. Quelques autochtones, qui attendaient déjà sur le parvis du lieu saint, étaient eux emmitouflés comme pour une expédition polaire. Le cortège s'arrêta. Les employés des pompes funèbres s'affairaient. Ces minutes d'attente pétrifiaient encore plus l'assistance. Enfin, le cercueil fut extirpé du fourgon et emporté à l'intérieur de l'édifice chrétien. Dans la maison de Dieu, le mercure ne faisait guère mieux, mais, l'abri du vent donnait un peu de répit.
Lucette Tréholle, dite Mamie Lucette, sur deux tréteaux drapés d'un velours grenat, dans son cercueil fleuri, était disposée face à l'autel, au bout de l'allée centrale. Elle voulait une messe avant d'aller retrouver son Bon Dieu, disait-elle ! Elle ne fréquentait pourtant cet endroit que pour les grandes occasions et ne faisait pas partie des culs-bénits.
Dans sa tendre enfance puis sa jeunesse, elle était beaucoup plus assidue en matière de fréquentation du lieu de culte. D'ailleurs, à cette époque, la petite ville était plus peuplée et fatalement plus vivante. La religion faisait partie de la vie sociale. Son mariage avec Raymond en était le point d'orgue. C'était en mai 1938. Ce jour-là, il faisait beau dans le ciel comme dans les cœurs ! Lucette se tenait pratiquement à la même place, mais en position verticale.
Aujourd'hui, tous les gens présents étaient tellement différents pourtant, ils avaient tous connu la défunte. Ils avaient été les jalons de son existence. La génération de Louis, celle de son petit-fils, représentait les derniers compagnons du chemin de sa longue vie.
Comme toutes les grand-mères qui choient leurs petits-enfants, Lucette avait dorloté Louis sans modération. Il en avait gardé un souvenir tendre et aimant. Son cœur était gros et lourd même s'il n'ignorait pas que ses quatre-vingt-quinze printemps commençaient à peser beaucoup. Voilà qui donnait de la matière à monsieur le curé pour sa rétrospective miséricordieuse.
Hormis les saintes et les saints, à l'heure du jugement dernier, chaque brebis avait quelques égarements à se faire pardonner. Il aurait été inconvenant en ce jour de gloire, comme s'employait le serviteur de Dieu à le faire remarquer, de mettre en avant ceux de Lucette. L'heure était aux honneurs de sa vie de femme honnête, dévouée, aimante et toutefois gentiment pécheresse. Pourtant, comme les ragots ont la peau dure, l'homme d'Église, notable du village depuis des décennies, ne manqua pas d'y faire allusion. Une malheureuse remarque concernait quelques agissements ou une supposition d'agissements qui n'avaient jamais fait l'objet du pardon. À moins que ce ne fût l'occasion ou jamais.
Ceux qui avaient connu la période de l'occupation se souvenaient de ce soldat allemand qui venait à la ferme des Tréholle. Les autres auront entendu parler leurs aînés. Certes, l'Oberfeldwebel faisait les prélèvements alimentaires habituels destinés à l'armée allemande et là, il n'y avait rien à redire. C'était plutôt quand il revenait plus tard en rapporter un petit peu pour que Lucette et ses jumeaux puissent manger confortablement. Raymond était prisonnier outre-Rhin et personne ne pouvait aider Lucette au dur labeur du métier de paysan. Elle en avait du mérite, la pauvre. Pourtant, cela n'empêchait pas les gens bien-pensants de jaser. Lucette n'aurait rien dû accepter du boche, du fridolin, du schpountz, du chleuh, du frisé, du doryphore, du Prussien… Si son Raymond avait vu ça !
Le père de Louis, Marcel Tréholle, encore gamin, s'était toujours souvenu de ses crampes d'estomac. Les Allemands n'avaient laissé qu'une seule vache. Le nombre des poules et des canards avait été divisé par deux dans les premiers mois de réquisition puis le diviseur n'a fait qu'augmenter à force de passer les bestioles à la casserole. Quant aux champs, ils furent finalement laissés en friche pour la plupart. À grand-peine, Lucette attelait la charrue au cheval, dont la vie ne tenait qu'à un fil. Dès lors, elle arrivait à entretenir un petit lopin. Les pommes de terre produites passaient en totalité à l'ennemi. Seuls les topinambours et autres rutabagas pouvaient rester français, il avait fallu une saison pour comprendre cela. D'ailleurs, le premier automne n'avait pas été trop pénible grâce au stock. Ce fut au début de l'année suivante que les choses s'étaient compliquées. L'Oberfeldwebel l'avait bien compris. Il avait continué à reverser officieusement à la ferme une quote-part de sa razzia préalable en prévision des temps de disette. Ce n'était pas par élégance, comme au tout début de l'occupation, mais parce que la nécessité prochaine se voyait comme le nez au milieu de la figure. Tout ce qui était pris n'était plus à prendre !
Malheureusement, dès novembre 1940, l'organisation des forces d'occupation avait annoncé sa mutation imminente. Malgré tout, cela avait laissé des traces dans les mémoires. Lucette aurait dû refuser dès la première fois, mais il était si poli qu'elle ne l'avait pas fait. De plus, des fermes du bourg, elle était la seule paysanne avec deux enfants en bas âge sans homme ni adolescent à la maison. Souvent, elle s'était dit qu'en refusant l'aide de cet Allemand, ses compatriotes, amis et voisins seraient venus la soutenir. Seulement ça, elle ne l'aura jamais su.
Monsieur le Curé ne s'attarda pas sur l'incartade de Lucette. Il la qualifia juste d'un faux pas que le seigneur devrait soupeser face à tout le bonheur et l'amour qu'elle avait, ensuite, donner autour d'elle.
La messe se conclut en chansons dont la joie était censée aider son âme à atteindre les sommets de la félicité. L'oraison funèbre et les condoléances, dont Louis se serait bien passé, lui tirèrent de grosses larmes. Si ses parents avaient été encore de ce monde, ils l'auraient accompagné dans cet épanchement lacrymal. Hélas, l'histoire familiale n'avait pas respecté l'ordre des choses. Le cancer avait emporté sa mère et un accident de voiture s'était chargé de Marcel, son père, fils de Lucette. Restait la tante Sylvie, la jumelle de Marcel, vieille fille invétérée ! Elle était là, et bien là, seulement elle ne semblait absolument pas réaliser ce qui se passait et pour cause, Alzheimer l'avait déjà emmenée sous d'autres cieux où la raison n'est plus.
En conclusion, Louis Tréholle, fils et petit-fils unique, portait tout le poids de cette succession, comme ce qui la précédait, sur ses frêles épaules. Le soutien de Pauline lui était donc du plus grand secours.
L'épreuve du cimetière terminée, l'accueil au domicile de feue Lucette, assurait aux quelques proches un petit en-cas. Comme il se doit, ceux qui avaient fait le déplacement ne devaient pas repartir le ventre vide.
Alors, tout en grignotant, on parlait de choses et d'autres, toutes en rapport avec Lucette. C'était une autre manière de lui dire adieu ! D'ailleurs, la petite sauterie ne s'éternisa pas. Passé le dessert, les premiers partants avisaient les suivants d'un hypothétique retour embouteillé sur Paris. Dès lors, l'assistance s'égraina et en moins d'une heure, il ne restait plus que Pauline et Louis pour faire un peu de rangement et un brin de vaisselle.