CORPS ET ÂME - Jyhel
LES PREMIÈRES PAGES :
Préface
Depuis la nuit des temps où l'homme est devenu homme, la fin de l'existence, contrairement aux autres espèces vivantes, a été perçue comme une improbabilité. La vie est belle et la mort représente le passage aux ténèbres, le plongeon dans le néant.
L'abstraction du néant reste pour la grande majorité d'entre nous un domaine incompréhensible. Rien, devenir rien, aller dans un lieu imaginaire où il n'y a rien ! C'est tout le contraire de l'existence et de son environnement. Autant l'être humain comprend ce qu'il y a autour de lui, et s'il ne le comprend pas cela ne l'empêche pas de se familiariser avec en inventant une explication qui lui convient, autant à l'idée de tout voir disparaître pour laisser place à l'absence de matière, d'espace et de temps nos petites cervelles se déconnectent.
Certains ont bien essayé et essayent toujours en s'intéressant à ce qu'il y avait avant le big bang et ce que l'humanité pourrait devenir après un big crunch. Bref, pour le plus grand nombre des habitants de cette planète, le choix est binaire. Soit nous avons une âme qui survit au corps soit nous n'en avons pas. Nous sommes nés poussière et nous retournerons poussière. Si c'est vrai, c'est bien triste ! Pourtant, en regardant attentivement la nature, c'est ce qui arrive au quotidien autour de nous mais en respectant des cycles de renaissance.
Alors l'âme dans tout ça ! Existe-t-elle ou non ? La première question, en admettant qu'elle existe, est de dire ce qu'elle est.
Venant du mot latin « anima », elle signifie le souffle ou la respiration, autrement dit la vie à l'intérieur du corps de tout être vivant. Voilà une bonne nouvelle ! Selon un article du musée de l'Homme, consultable sur internet, nous partageons 35 % de nos gènes codants avec la jonquille et 70 % avec l'oursin. Ça pique !
Seulement l'âme est peut-être autre chose que la vie, comme la synthèse de son vécu et de celui de sa famille via son éducation, sa culture, sa civilisation et aussi sa propre sensibilité. Toute la question est de savoir si elle se dissocie du corps ou non !
Selon Shiva...
Dieu de la création et de la destruction, il accorde au chat une éternité digne de son pouvoir...
« Un vieux matou, mathématicien émérite mais fort distrait et incroyablement paresseux, somnolait à l’entrée d’un temple. De temps à autre, il entrouvrait un œil pour compter les mouches du voisinage et replongeait presque aussitôt dans sa douce léthargie. Shiva vint à passer par là. Émerveillé par la grâce naturelle, toute féline, que l’animal avait conservée, malgré un embonpoint considérable dû à son oisiveté, le Seigneur des Mondes lui demanda :
Qui es-tu et que sais-tu faire ?
L'autre, sans même entrebâiller les paupières, marmonna :
Je suis un vieux chat très savant, et je sais parfaitement compter.
Magnifique ! Et jusqu’où peux-tu compter ?
Mais voyons, je peux compter jusqu’à l’infini !
Dans ce cas, fais-moi plaisir. Compte pour moi, l’ami, compte…
Le chat s’étira, bailla profondément, puis, avec une petite moue de dédain amusée, se mit à réciter :
Un…deux…trois…quatre…
Chaque chiffre était prononcé d’une voix plus murmurante et vague. À sept, le chat était à moitié endormi. À neuf, il ronflait carrément, abîmé dans un sommeil béat.
Puisque tu sais seulement compter jusqu’à neuf, décréta le grand Shiva, souverain des Sphères, je t’accorde neuf vies.
C’est ainsi que les chats disposèrent de neuf existences. Mais Shiva, qui était aussi un subtil philosophe, médita longuement. Le matou lui avait assuré qu’il pouvait compter jusqu’à l’infini. Certes, il s’était arrêté au chiffre neuf, puis s’était endormi. Or, le sommeil, sans nom, sans forme, sans pensée, n’est-il pas une fidèle préfiguration de l’infini ?
Alors Shiva compléta son décret : au bout de ses neuf vies, le chat accéderait directement à la félicité Suprême. »