LA PROVOCATION D'OCÉANE - Monique LE DANTEC
20,00 €
REF. 2024-060
SERA DISPONIBLE VERS LE 15 JUIN 2024
Lancer une provocation sur le Net est une entreprise délicate dont il faut se méfier des conséquences. Elles peuvent être aussi insoupçonnées que dramatiques.
C’est ce qu’a fait Océane, jeune auteure de la belle ville de La Rochelle, un peu naïve et surtout très fière de son premier roman historique retenu par une maison d'édition parisienne renommée. En effet, non seulement elle va s’en vanter sur Facebook, mais elle va attaquer très sottement une certaine catégorie de lectrices rencontrées dans un Salon du Livre.
Victime d’une réaction terrible de leur part, elle en paiera cruellement le prix, entraînant par là même son marin-pêcheur de père, qui interviendra pour venger sa fille.
Monique Le Dantec, membre de l’Académie Arts-Sciences-Lettres de Paris, dont voici le 16e roman, persiste dans le genre thriller, domaine qui lui est désormais familier.
Dénoncer le cyber-harcèlement, constatant les catastrophes qu’il génère souvent, lui tenait particulièrement à coeur. En conséquence, mieux vaut garder les nerfs solides pour se plonger dans cette nouvelle oeuvre qui vous réservera bien des surprises et surtout des frayeurs.
LES PREMIÈRES PAGES :
PROLOGUE
PARTIR
À l’heure où la mer et l’obscurité commençaient à fusionner, le
cotre, au nom prémonitoire de Peurbadelezh dont les lettres
en bleu azur se distinguaient encore dans le couchant, avait
pris sa vitesse de croisière en direction de l’ouest.
Des gerbes d’embruns l’enveloppaient de part et d’autre,
l’isolant du reste du monde. C’est ainsi qu’Edmond le ressentit à ce
moment-là. Une grande paix intérieure l’envahit. Un sourire serein
fendit sa face burinée et un éclair de satisfaction éclaira son regard gris
et froid comme un ciel d’hiver.
Derrière lui, au loin déjà, la rive se détachait à la manière d’un
mince ruban que l’approche de la nuit effaçait. Celle-ci, une heure plus
tard, aurait totalement disparu. La Rochelle hérissant la côte se fondait
maintenant dans le brouillard. Si la tour de la Chaîne et son vis-à-vis la
Saint-Nicolas se dressaient encore de manière aléatoire au gré des
voiles de brume, la tour de la Lanterne s’était aussi évanouie.
Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, l’homme ressentit
un immense sentiment de solitude. Mais c’était justement cela le
bonheur, cette impression de liberté qui s’y rattachait, désormais sa
seule compagnie. Mais surtout, qu’il aimait être aux commandes de
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son bateau de pêche, ce cotre rustique en bois acheté il y avait plus de
trente ans maintenant, que sa chère épouse avait alors baptisé en
lançant une bouteille de champagne contre la coque. C’est elle aussi
qui l’avait appelé de ce nom si difficile à retenir, Peurbadelezh,
l’éternité en breton, pour faire honneur à la région dont elle venait, le
Morbihan. Il s’en souvenait comme au premier jour.
Qu’elle était belle, sa tendre Gisèle aux cheveux auburn, aux
yeux vert amande et au sourire immuable. Le même qu’elle avait sur
les lèvres à l’heure de la naissance de leur fille Océane, mais qui n’avait
duré qu’un instant, la mort était au pied de son lit et l’avait emportée
dans un souffle.
Le même souffle qui agitait en cet instant l’unique mât gréé en
voile aurique à plusieurs focs, comprenant une grand-voile à corne,
une flèche et deux focs, le tricot et la trinquette, éléments qui avaient
été remplacés depuis peu. Après des mois d’hésitation, il s’était enfin
résolu à apporter quelques améliorations au bateau s’il voulait toujours
aller pêcher en mer.
Pour en revenir à la rénovation, le moteur d’origine de 20 CV au
diesel commençait aussi à vieillir et pouvait tenir encore un moment.
C’était surtout la voilure qui s’était déchirée de part et d’autre et qu’il
avait fallu renouveler, mais maintenant son cotre lui convenait
parfaitement. Surtout pour mettre son ultime projet à exécution !
En bois massif, très costaud, avec son unique mât de misaine
représentant surtout la sécurité, car la moindre toile gréée au tiers et
une bonne paire d’avirons de cinq mètres pouvaient lui permettre
d’attendre la réparation d’une panne d’injecteur ou de carburateur sans
aucun risque. Mais aujourd’hui justement, il ne voulait en prendre
aucun ! Il se voyait mal rester bloqué à quelques miles du rivage, et être
repéré par un garde-côte zélé en mal d’intervention.
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Le principal atout du cotre était parfait pour une croisière, et il
en avait fait plusieurs avec Océane. Deux couchettes et une cuisinette,
le roof était suffisamment spacieux pour pouvoir bien s’y installer.
Océane avait procédé à une très jolie décoration, des rideaux fleuris
rose bonbon, un four à micro-ondes, un minuscule réchaud à gaz et
un petit réfrigérateur qui les aidaient bien.
Il avait passé avec sa fille de merveilleuses vacances. Quand il se
résolvait toutefois à abandonner la pêche pendant quelques semaines,
ce qui était d’ailleurs rare ! Ils avaient même pu alors faire le tour de
l’Espagne et du Portugal. Le seul défaut majeur du voilier était de ne
pouvoir tâter du bar dans les brisants de la côte portugaise, car il calait
plus d’un mètre. Mais à part ce léger inconvénient, qui n’en était pas
un sur les côtes de Charente-Maritime ou du Pays basque, son bateau
l’avait toujours parfaitement satisfait et était devenu, en plus de son
métier de marin pêcheur, son compagnon de toutes les occasions, des
pires comme des meilleures.
Comme il le comblait également aujourd’hui, quand son regard
se porta sur les trois thons étalés sur le plancher. Qu’il avait galéré pour
arriver à ce résultat ! La décision à prendre avait été ardue, longue, au-
delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer. Mais il avait eu gain de cause.
Bien sûr, il aurait pu en pêcher d’autres, tout aussi intéressants.
Mais il s’était donné pour but d’en attraper trois, cela suffisait à le
satisfaire pleinement. L’un d’eux, le plus petit, était totalement
immobile, les deux autres se mouvaient encore un peu, mais il était
clair que leurs forces les abandonnaient.
Attirées par l’odeur, des mouettes voltigeaient à l’aplomb du
cotre avec autant d’énergie que si elles se disputaient les entrailles des
poissons au-dessus de la jetée. Soudain, une grosse vague surgissant du
suroît, ce vent du sud-ouest si imprévisible, se brisa contre la coque, et
l’éclatement de sa gerbe les arrosa violemment. La tempête arrivait.
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Il imagina encore une fois les lumières de la ville, si loin
maintenant, qui scintillaient encore par intermittence dans le
brouillard, les tours qui s’y noyaient. Seul le bruit âpre de la brise
enveloppa l’embarcation, la mer se fondant à présent dans la nuit
tombée. Puis il passa à l’acte.